La force majeure, le contrat et le Covid-19
Camille Merlet
9 Mai, 2020

PROFESSIONNEL

La force majeure et le Covid-19

CAMILLE MERLET / 09 mai 2020

La force majeure est la 1ère notion à laquelle on pense quand on est l’impossibilité de payer ses fournisseurs ou que l’on ne peut pas exécuter ses prestations. Le 28 février, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, annonçait que l’épidémie de Covid-19 devait être considérée comme : « un cas de force majeure pour les entreprises, salariés et employeurs » pour les contrats de marchés publics passés avec l’État permettant de les suspendre ou y mettre fin. Dans cette lignée, la Cour d’appel de Colmar a déjà reconnu la force majeure sur ce fondement dans le cadre d’une rétention administrative (CA Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098) et l’Ordonnance n°2020-326 du 25 mars 2020 permet, « du fait de la situation actuelle constituant la force majeure », de ne pas mettre en jeu la responsabilité pécuniaire des comptables publics.

Est-ce que la force majeure applicable en droit public  s’applique aux contrats privés ?

Il y a des contrats qui prévoient une clause par laquelle les parties doivent exécuter leurs engagements et ce malgré un cas de force majeure. Ces contrats qui déroge donc à l’article 1351 du Code civil seront donc mis de côté. Il faudra à l’avenir réfléchir à la négociation de cette clause de cas de force majeure avec votre co-contractant. Un avocat en droit des affaires sera là pour vous accompagner dans la rédaction d’une telle clause. L’article 1218 du Code civil prévoit que la force majeure est caractérisée lorsqu’un événement empêche l’exécution des obligations. 3 conditions doivent exister :
• il échappe au contrôle des parties (l’extériorité)
• il ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat (l’imprévisibilité)
• ses effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées (l’irrésistibilité) Pour le Covid-19, l’extériorité semble acquise, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité doivent être étudiées au cas par cas car l’épidémie de Covid-19 n’est pas arrivée de manière imprévisible et soudainement pour les entreprises françaises. En effet, la crise sanitaire en Chine a débuté en décembre 2019 et a été largement relayée dans les médias. L’OMS a donné l’alerte dès le 30 janvier 2020.  Donc, répondre à la question de savoir si la force majeure s’applique à votre contrat devra faire l’objet d’une analyse plus poussée par un avocat en droit des affaires. Pour conserver une bonne relation d’affaires avec vos prestataires, fournisseurs ou clients, la voie d’un règlement amiable des litiges devra être privilégié et l’avocat en droit des affaires saura vous accompagner dans ses négociations. En outre, si l’inexécution due à la force majeure empêchera toute pénalité au visa de l’article 1231-1 du Code civil, la force majeure ne permettra la résolution d’un contrat que si l’empêchement a engendré un retard trop important. (Définition de la résolution du contrat : ici)

Cas de force majeure, crise sanitaire et jurisprudence :

  • Un arrêt a été rendu à propos du virus du chikungunya : « S’agissant de la présence du virus chikungunya, en dépit de ses caractéristiques (douleurs articulaires, fièvre, céphalées, fatigue, etc.) et de sa prévalence dans l’arc antillais et singulièrement sur l’île de Saint-Barthélemy courant 2013-2014, cet événement ne comporte pas les caractères de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1148 du code civil. En effet, cette épidémie ne peut être considérée comme ayant un caractère imprévisible et surtout irrésistible puisque, dans tous les cas, cette maladie soulagée par des antalgiques est généralement surmontable (les intimés n’ayant pas fait état d’une fragilité médicale particulière) et que l’hôtel pouvait honorer sa prestation durant cette période » (Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739 ; dans le même sens, pour la dengue en Martinique, qui n’est ni imprévisible ni irrésistible, Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003).
  • On pourrait tenter de démontrer que pour le coronavirus qui, est apparu récemment, ne comporte pas pour le moment de traitement efficace et peut être létal.

Covid-19, force majeure et fiscalité :

La solution est la même, et l’on peut s’appuyer sur un arrêt de la juridiction administrative (CAA Douai, 28 janv. 2016, n° 15DA01345) : la force majeure n’est pas retenue pour expliquer l’absence de location d’un bien immobilier dans le délai de six mois permettant de bénéficier d’une exonération fiscale, faute d’avoir précisé en quoi l’épidémie de chikungunya ayant sévi dans l’île de la Réunion aurait effectivement été de nature à faire obstacle à ce que le débiteur puisse donner son appartement à bail. Ici encore, il s’agit de mettre l’événement, l’épidémie, en rapport direct avec l’empêchement invoqué.

Covid-19, cas de force majeure et le paiement des charges sociales :

Il y a eu un arrêt intéressant : une entreprise invoquait des difficultés liées au non-paiement de redevances par des filiales africaines au cours de l’épidémie du virus Ebola pour justifier son retard de paiement. « Le caractère avéré de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest à partir du mois de décembre 2013, même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffit pas à établir ipso facto que la baisse ou l’absence de trésorerie invoquées par la société appelante, lui serait imputable, faute d’éléments comptables » (Paris, pôle 06, ch. 12, 17 mars 2016, n° 15/04263). Votre avocat en droit des affaires devra donc étoffer l’argumentation de la force majeure sur le manque à gagner ou la difficulté.

Le stress de l’entrepreneur de ne pas pouvoir exécuter sa prestation en raison du Covid-19

Quand le virus du Covid-19 était connu au jour de la signature du contrat : est-ce que la force majeure peut jouer ?

L’élément imprévisible de la force majeure, cité plus haut, ne pourra être qualifié de force majeure qu’en fonction du jour de la conclusion du contrat. Un exemple : « il doit être souligné que l’épidémie de chikungunya a débuté en janvier 2006 et ne peut être retenue comme un événement imprévisible justifiant la rupture du contrat en août suivant après une embauche du 4 juin. […] Ainsi, dans les faits, la force majeure alléguée fait défaut » (Saint-Denis de la Réunion, 29 déc. 2009, n° 08/02114). L’avocat en droit des affaires devra donc en premier lieu s’interroger sur le moment à partir duquel le contrat a été conclu pour pouvoir argumenter sur la force majeure. Est-ce que le contrat a été conclu alors que l’OMS nous avait alerté ou lorsque c’était le début de la pandémie en Chine ? Il faudra donc être vigilent.      

La force majeure et la livraison de masques aux pharmaciens

La force majeure pour les pharmaciens :

  • La jurisprudence a déjà statué sur une livraison tardive de maques à un moment où proliférait la grippe aviaire. Le pharmacien demandait le remboursement d’un acompte versé sur une commande tardivement livrée ( la commande était également non conforme) en invoquant la force majeure. La cour d’appel a jugé que pour l’importateur de masques, le fait que la marchandise ait été bloquée en douane en raison d’un défaut de conformité des masques concernés au regard de la norme applicable n’est pas constitutif d’une force majeure ou d’une cause exonératoire,
  • il aurait dû vérifier que les masque étaient fabriqués suivant les normes imposées. (Cour d’appel de Poitiers, 24 févr. 2012, n° 11/02200).

Le déséquilibre du contrat : l’imprévision et le Covid-19

Vous avez pensé à la force majeure mais avec-vous pensé à l’imprévision ?
Votre contrat peut est devenu déséquilibré en raison de l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences. Plûtot que de partir sur le terrain de la force majeure, votre avocat en droit des affaires devra penser à  regarder s’il est possible de renégocier le contrat en application de la théorie de l’imprévision codifiée depuis fin 2016 à l’article 1195 du Code civil s’il est caractérisé :
• un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat
• qui rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque. La partie victime de ce changement peut demander à son cocontractant une renégociation du contrat (avec poursuite de son exécution pendant les négociations), lequel est libre d’accéder ou non à cette demande.
  • En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent solliciter du juge qu’il adapte le contrat aux circonstances, voire qu’il mette fin au contrat,
  • Une renégociation amiable est donc vivement conseillée pour permettre aux parties d’adapter leurs obligations.
 
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