Le remboursement du compte courant d’associé par le dirigeant quand l’entreprise va mal
Camille Merlet
22 Nov, 2021

Les conditions de mise en œuvre du compte courant d’associé sont trop souvent négligées à la création d’une société. C’est souvent lorsque l’entreprise va mal que l’on s’en aperçoit ou lorsqu’il y a un conflit entre associés que ce point est révélé.

La Cour de cassation a rendu un arrêt le 20 octobre 2021 et a condamné les manœuvres d’un associé dirigeant d’une entreprise qui s’est remboursé un compte courant d’associé alors que la société était en difficulté.

Qu’est-ce qu’un compte courant d’associé ?

Le compte courant d’associés c’est lorsque un associé d’une société injecte de l’argent qu’il détient personnellement dans la société dans laquelle il détient des titres.

L’associé qui a prêté de l’argent prête généralement à sa société en espérant que cet apport de trésorerie va permettre à son entreprise de générer des bénéfices qui serviront à le rembourser plus tard.

La clause du compte courant d’associé peut être prévue dans les statuts de la société et/ou dans un pacte d’associés. L’avocat qui rédige vos statuts va alors prévoir les conditions de mise en œuvre de ce prêt fait à l’entreprise par ses associés.

Exemple :

  • Est-ce que l’associé a le doit de reprendre les fonds prêtés quand il veut au risque de mettre en difficulté la société qui n’aurait pas les moyens de le remboursement ?
  • Est-ce qu’on prévoit des délais de remboursement ou un étalement du remboursement du compte courant d’associé ?
  • est-ce qu’il y a un taux qui s’applique, c’est à dire est-ce que l’argent qui est prêté l’est à titre gratuit ?
  • […]

Prévoir les conditions de remboursement d’un compte courant d’associé c’est essentiel à la constitution d’une société. Trop souvent je vois des clients qui me consultent trop tard, il est difficile de changer les choses quand vous êtes déjà en guerre avec votre associé. Imaginez que votre associé mette 100.000 € en compte courant, qu’il n’y a rien de prévu dans les statuts ni même dans un pacte d’associés et qu’il actionne le remboursement peu de temps après ? Vous allez devoir mettre la clé sous la porte !

Camille Merlet Avocat en droit des sociétés & droit des affaires.

Camille Merlet Avocat en droit des sociétés à Marseille

Que nous dit la jurisprudence récente sur le compte courant d’associé ?

Le contexte de l’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 :

Une société est constituée en 2008 à parts égales entre deux associés (50/50)Monsieur X et Madame Z. Le gérant de cette société était Monsieur X. Elle avait pour activité le commerce de gros de boissons. Elle distribuait sur internet le champagne qu’elle achetait à une autre société dirigée par Madame Z.

À la création de la société chacun des associés a consenti un apport en compte courant :

  • d’un montant de 132 223,77 euros pour Mme Z,
  • d’un montant de 129 274 37 euros pour M. X.

Mais ces prêts n’ont pas suffit car la société a connu une perte d’exploitation important et la relation entre les deux associés s’est altérée de façon importante.

Dans ce contexte, M. X a procédé au remboursement de son compte courant d’associé d’un montant de 160 370,40 euros.

De son côté, Mme Z a refusé d’approuver les comptes de l’exercice.

Le conflit entre s’est aggravé entre les associés qui se sont chacun fait délivrer des assignations. L’un en dissolution judiciaire de la société et l’autre en dommages et intérêts pour déloyauté et rupture brutale de relations commerciales établies.

Le jugement en première instance devant le tribunal de commerce de Paris a dit que :

Monsieur X en sa qualité de gérant, a commis une faute de gestion qui a contribué à l’insuffisance d’actif de la société et l’a condamné à verser, la somme de 160.370,40 euros au titre de remboursement de son compte courant d’associé.

Arguments de Monsieur Z

Evidemment il invoquait le fait qu’en l’absence de toute stipulation contraire, les comptes courants des associés étaient remboursables à vue. C’est-à-dire sur demande l’associé.

Arguments du liquidateur judicaire

Le liquidateur judiciaire reproche à M. X d’avoir procédé au remboursement de son compte-courant d’associé à une époque où la société débitrice connaissait des difficultés et en contravention avec l’article 17 des statuts qui précisent que :

 » [..] les conditions de retrait de ces sommes et leur rémunération sont fixées soit d’accord commun entre la gérance et l’associé intéressé, soit par décision collective des associés. Si l’avance en compte courant est effectuée par un gérant, ses conditions de retrait et de rémunération sont fixées par décision collective des associés.« 

Cass com 20 octobre 2021

Conclusions de la Cour de cassation

Un dirigeant peut être condamné à combler le passif social (c’est à dire à rembourser les sommes avancées) pour avoir sciemment remboursé son compte courant d’associé malgré les difficultés financières de la société. Cette condamnation intervient alors même que le remboursement du compte courant d’associé n’a pas rendu le compte bancaire de la société débiteur.

Moralités sur le compte courant

Nous vous conseillons de ne pas prendre des modèles de statuts sur internet et de ne pas les générer en ligne à bas coût. Si vous créez une société avec un ou plusieurs associés il est primordial de consulter un avocat.

Quelque soit votre activité ou votre spécialité, il est essentiel et primordial de se faire accompagner lorsque vous vous associez ou que vous constituez votre société. En effet, de trop nombreux conflits entre associés éclatent par mésentente mais également parce que les règles du jeux n’ont pas bien été fixées au départ.

Maître Camille Merlet, avocat au Barreau de Marseille connaît ces sujets et saura utilement vous conseiller.

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